La Loi Gayssot, un outil précieux pour les transporteurs que n’apprécient pas les Factors

PARTAGER CET ARTICLE

L’article L132-8 du Code de commerce aussi connu sous le nom de la Loi Gayssot adopté en 1998 est un outil indispensable pour les transporteurs dans le cadre du recouvrement de leurs créances. Ce dispositif légal qui est très peu connu du grand public, s’avère très efficace et très protecteur pour un sous-traitant transporteur effectuant une livraison pour le compte d’un commissionnaire (ou toute autre entreprise) qui lui-même a reçu un ordre de transport émanant de son client final, l’expéditeur.

Paradoxalement, l’objet même de cette loi permettant de reconfigurer le flux de paiement d’une facture impayée constitue aussi un véritable obstacle dans la mise en place un contrat d’affacturage.

Codifié sous l’article L132-8 du Code de commerce, cette loi ne traitant que le secteur du transport en « BtoB » (c’est-à-dire uniquement des créances commerciale) dit que : « La lettre de voiture forme un contrat entre l’expéditeur, le voiturier et le destinataire ou entre l’expéditeur, le destinataire, le commissionnaire et le voiturier. Le voiturier a ainsi une action directe en paiement de ses prestations à l’encontre de l’expéditeur et du destinataire, lesquels sont garants du paiement du prix du transport. Toute clause contraire est réputée non écrite ». 

La portée de cet article est conséquente car elle indique tout simplement que si une lettre de voiture ou tout autre preuve de livraison est émargées par le destinataire, alors elle vaut contrat. C’est par ce levier qu’une société de transport ayant effectivement et correctement réalisé sa prestation de livraison commandée par le commissionnaire (ou toute autre entreprise) peut déclencher « une action directe en paiement » auprès du client final, très souvent l’expéditeur.

Plusieurs conditions doivent être réunies pour pourvoir actionner le dispositif de recouvrement de la Loi Gayssot :

Cette loi ne concerne que les créances de transport routier de marchandises ;

  • Seules les créances commerciales entrent dans son champ d’application. C’est-à-dire que cette loi n’encadre que la relation « BtoB » ;
  • Une lettre de voiture mentionnant l’expéditeur et le destinataire doit être associée à l’impayé pour que le recours soit possible ;
  • Et le transporteur doit être capable de prouver que toutes les démarches à l’encontre de son acheteur pour recouvrer la facture impayée ont été entreprises (les lettres de relance ; et la mise en demeure).

Ainsi toute société de transport de marchandises pourra invoquer cette loi lorsque son client professionnel ne l’a pas réglé dans les délais légalement prévus.

Cette loi Gayssot un outil redoutable et surtout protecteur permettant aux sous-traitants transporteurs de contourner les risques liés aux retards de paiement ou aux défauts de leurs clients par le déclenchant une action directe en paiement auprès du client final. C’est justement cette possibilité de modifier le fléchage du paiement qui rend difficile la mise en place d’un programme d’affacturage (=> cession des créances par la subrogation conventionnelle) voire même une cession Dailly (cession de créances professionnelles selon les articles L. 313-23 à L. 313-34 du code monétaire et financier).

Pour bien comprendre que cette possibilité donnée à un sous-traitant de réclamer son dû auprès du client final constitue un obstacle dans la mise en place d’un contrat d’affacturage, il est nécessaire de confronter deux schémas, celui avec et celui sans affacturage.

Schma de recouvrement dans le secteur du Transport - Version Sans Affacturage
Schéma de recouvrement dans le secteur du Transport – Version Sans Affacturage

Dans cette configuration, nous constatons aisément le principe protecteur de la Loi Gayssot pour le Transporteur 2 en qualité de sous-traitant. Ce fournisseur qui doit logiquement être payé à 30 jours par son client le Transporteur 1, a la possibilité le cas échéant de réclamer directement le règlement de sa facture auprès du Client final, l’expéditeur. Dans une telle situation, le Transporteur 1 ne recevra qu’au plus, un règlement partiel de sa créance par l’expéditeur.

Article qui pourrait vous intéresser :

Schma de recouvrement dans le secteur du Transport - Version Avec Affacturage et Risque li  la Sous-traitance
Schéma de recouvrement dans le secteur du Transport – Version Avec Affacturage et Risque lié à la Sous-traitance

Dans ce second schéma, nous supposons que le Transporteur 1 (Le Cédant) a recours à l’affacturage afin de financer ses créances commerciales pour ne pas subir le délai de paiement de son acheteur (Client final ou débiteur) qui est de 30 jours réglementaire dans le secteur du Transport. Pour ce faire, le Transporteur 1 va transférer par la subrogation conventionnelle ses factures sur le Client final au factor. A noter qu’à la différence d’une cession Dailly, la subrogation conventionnelle permet de modifier complètement les flux de règlement avec la création d’un compte d’encaissement dédié. C’est justement « cet accessoire de paiement » qui permet de sécuriser le financement des créances puisque l’IBAN du factor devient le centre de paiement des créances cédées dont ses encaissements serviront à solder les avances de trésorerie apportées au cédant. C’est pour cette raison que les banques privilégient aujourd’hui l’affacturage plutôt que la cession Dailly comme la solution pour financer le poste clients car elle est moins risquée et donc moins consommatrice de fonds propres.

La Loi Gayssot va justement aller à l’encontre de ce principe de règlement entre les mains du factor. Lorsque le sous-traitant n’arrive pas à être payé par son client (le Transporteur 1 – cédant) et ce malgré les relances et les mises en demeure, alors il invoquera la Loi Gayssot pour recouvrer sa créance directement auprès du donneur d’ordre initial (le Client final) qui est aussi le débiteur du factor. Si le débiteur règle directement le sous-traitant alors le paiement de la créance échappe au factor puisque le Client final refusera de payer deux fois la même facture. Le recours du factor sera alors sur le cédant pour apurer son risque d’impayé. Est-ce que le cédant a les moyens de rembourser le factor alors que ce dernier n’avait pas la capacité de payer son sous-traitant ? Ce risque d’action directe associé à une qualité de cédant dégradée peut alors très préjudiciable pour l’établissement de crédit.

Pour conclure, la Loi Gayssot est un dispositif légal très précieux pour les sociétés de transport alors qu’il est vu par les Factors comme un obstacle dans la bonne gestion d’un contrat d’affacturage puisque le risque que les paiements leur échappent, est élevé. C’est la raison pour laquelle, un structureur de programme d’affacturage demandera systématiquement à son prospect s’il a recours à la sous-traitance et le cas échéant, se renseignera sur la nature des prestations sous-traitées afin de savoir si le ou les sous-traitants connaissent les débiteurs.