Des crevettes « made in France » avec AGRILOOPS et l’Aquaponie

Par la technique de l'Aquaponie, l'Agritech française Agriloops nous propose des crevettes élevées en France
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Après une levée de fonds de 1,4 millions d’euro en 2018 et une subvention émanant de l’Etat français pour 3 millions d’euro en 2022, Agriloops a réussi à boucler une nouvelle levée auprès de petits porteurs par un financement participatif en capital via la plateforme de crowdfunding, Sowefund. Son montant s’élève à plus de 5 millions d’euro. C’est l’une des plus importantes opérations dans l’environnement Sowefund après Futura Gaïa et EkWateur. Agriloops se donne ainsi les moyens de réussir sa phase d’amorçage commercial.

Agriloops et l’Aquaponie

Agriloops est une Agritech française créée en 2016 par deux ingénieurs agronomes œuvrant dans le domaine de l’Aquaponie.

Qu’est-ce que l’Aquaponie ? Pour comprendre le fonctionnement et l’intérêt de cette culture responsable et 100% développement durable, nous vous proposons de revoir notre précédent article « L’Aquaponie : une approche symbiotique d’une agriculture responsable ». En synthèse, l’Aquaponie est une technique de production alimentaire qui unit l’aquaculture et l’hydroponie. L’aquaculture étant l’élevage d’espèces aquatiques et l’hydroponie étant la culture des plantes hors sol. Il s’agit d’une synergie entre l’élevage de poissons et la culture des plantes permettant d’avoir une production responsable prenant la forme d’un circuit fermé.

Il existe déjà en France et dans le monde de grandes fermes aquaponiques telles que les fermes Eauzons ou Bigh en Belgique. Quelle est alors l’innovation chez Agriloops ? La particularité de cette Agritech se situe dans le travail de l’eau salée alors que traditionnellement, les fermes utilisent l’eau douce. On parle de « eau salé » car Agriloops a choisi de se positionner sur un marché dynamique, avec d’importants débouchés à la fois domestiques et internationaux, à savoir l’élevage de crevettes. Le procédé d’Agriloops reste dans la logique simple de l’Aquaponie :

  1. Les effluents provenant de la zone d’élevage de crevettes sont injectés dans le bio-filtre ;
  2. Dans le bio-filtre, des bactéries vont intervenir pour transformer ces effluents en fertilisants destinés à la culture des plantes hors sol ;
  3. Cette eau riche en nutriments est alors transférée vers la zone d’hydroponie ;
  4. Les racines des plantes vont filtrer l’eau qui sera par la suite injectée dans les bassines d’élevage de crevettes. Ainsi, la boucle est bouclée.

Pour bien comprendre son fonctionnement, reprenons le schéma de l’Aquaponie que nous avons précédemment présenté dans l’article « L’Aquaponie : une approche symbiotique d’une agriculture responsable » :

©readingsphere.com – Schéma de l’Aquaponie

Pourquoi se positionner sur le marché de la crevette ?

Il existe plusieurs motivations qui ont poussé les deux fondateurs à se positionner très tôt sur le marché de la crevette.

1. La motivation économique :

©readingsphere.com – Source : « Consommation des produits de la pêche et de l’aquaculture 2021 »- FranceAgriMer

Les chiffres sur le marché français montrent que les débouchés sont importants. La crevette semble être très appréciée par les ménages puisqu’ils ont dépensé en 2021 plus de 740 millions d’euro pour les acheter selon une étude de FranceAgriMer.

La part importante de l’importation des crevettes dans l’approvisionnement français met en évidence une concurrence des élevages domestiques qui reste très marginale. Il y a donc une place à prendre sur le marché de la crevette en France métropolitaine.

Le marché français étant assez similaire à ceux des voisins européens, nous sommes donc restés sur les chiffres nationaux. Avec un modèle d’affaires permettant la création de fermes à proximité de grandes zones urbaines, nous pouvons également envisager que la pénétration des marchés frontaliers est tout à fait envisageable. Ce qui rend les perspectives commerciales d’autant plus intéressantes.

A travers ces chiffres, nous percevons aussi le sujet de souveraineté nationale et de la dépendance alimentaires sur ce type de produit et sans doute beaucoup d’autres.

2. La motivation qualitative des produits à vendre :

©readingsphere.com – La qualité des produits en Aquaponie

L’aspect qualité des produits vendus est en effet un postulat en Aquaponie. Cet intérêt n’est pas propre à Agriloops, c’est une généralité pour toutes les fermes aquaponiques. Les fruits, les légumes et les espèces aquatiques issus de cette méthode de production sont à la fois frais et de qualité.

3. Et l’impact écologique :

©readingsphere.com – Impact écologique d’Agriloops

Selon le Thing Tank IDDRI, le rythme de déforestation des mangroves est de 150 000 ha par an soit presque cinq fois plus rapide que la déforestation moyenne mondiale. L’élevage de la crevette étant la principale cause de cette catastrophe environnementale, Agriloops se voit comme une réponse efficace pour surmonter ce problème.

La crevette en France provient à plus 90% d’importation. Cela veut dire que la crevette, avant qu’elle arrive dans nos assiettes, doit parcourir plusieurs milliers de kilomètres. Avec l’aquaponie, les distances de livraison s’effacent quasiment puisque cette production alimentaire peut être déployée à proximité des zones urbaines.

Sans oublier que l’aquaponie permet d’économiser 90% d’eau par rapport à l’agriculture conventionnelle (voir l’article : « L’Aquaponie : une approche symbiotique d’une agriculture responsable »).

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Le « business model » d’Agriloops :

Les stratèges d’Agriloops ont décidé de partir sur le modèle de franchise industrielle pour son développement commercial. Agriloops étant le franchiseur, les franchisés vont donc déployer les fermes aquaponiques sur tout le territoire en respectant le cahier des charges d’Agriloops.

Le modèle de franchise amène en effet de nombreux avantages auxquels nous allons tenter d’apporter un œil critique :

– La franchise permet un développement rapide de l’activité commerciale par le travail de maillage du territoire qui serait alors exécuté par les franchisés. Mais est-il nécessaire d’avoir des fermes Agriloops un peu partout en France ? Le débat serait plutôt un arbitrage entre de grandes fermes Agriloops à proximité de zones à forte densité ou une multitude de fermes réparties dans tout le pays. Si Agriloops se positionne sur le segment du BtoB, cette question peut alors se poser d’autant plus que dans un tel fonctionnement (avec des filiales ou succursales), une bonne partie des coûts de logistique serait alors délocalisée chez l’acheteur professionnel.

– La franchise permet un déploiement de l’activité sans l’exigence capitalistique d’un réseau de succursales puisque chaque franchisé est dirigeant de son entreprise. Il faut en effet des fonds propres importants dans un modèle de plusieurs points de vente avec une maison mère. Essayons de nous projeter dans ce type de déploiement. Aujourd’hui, Agriloops possède un avantage concurrentiel sur tous les concurrents nationaux : 1. un coup d’avance technologique ; 2. une technologie protégée par un brevet ; 3. une image positive très marquée sur le développement durable et responsable. Sur le plan de la stratégie, supposons que les décisions actées sont : 1. se positionner sur le segment du BtoB (la gestion des charges d’exploitation étant bien plus complexe avec des millions d’acheteurs particuliers) ; 2. créer des grandes fermes dans les zones très peuplées permettant ainsi de travailler principalement avec de grands donneurs d’ordres nationaux et régionaux. Bien entendu que ce point 2 n’est faisable que si les tours de table permettent de lever les sommes nécessaires pour un tel projet de développement. Ce coup d’avance et sa position dominante sur le marché de la crevette donnent à Agriloop, un « pricing power » favorable permettant d’impacter significativement son retour sur investissement (ROI).

– La franchise permet de faire connaître la marque plus rapidement. Si la stratégie est d’œuvrer sur le segment du BtoC, la diffusion de la marque par le système de franchise est sûrement le meilleur moyen de le faire. Par contre, si Agriloops décide de se concentrer sur le marché du BtoB alors le débat sur le maillage du territoire par des franchisés dévient légitime.

Pour conclure :

La faible concurrence domestique et la forte demande de crevettes des ménages français sont les caractéristiques actuelles du marché français de la crevette qui permettent d’entrevoir un succès commercial quasiment certain pour Agriloops.

Le sujet crucial pour Agriloops est aujourd’hui, le basculement de la start up à la scale up, c’est-à-dire comment générer du chiffre d’affaires de manière durable. Le modèle de franchise semble être la voie préconisée par les dirigeants de la société. Comme nous l’avons soulevé plus haut, le débat sur le choix du modèle commercial est intimement lié à la clientèle ciblée par Agriloops. S’il s’agit de vendre directement aux particuliers, alors le choix d’avoir des partenaires-franchisés semble être la meilleure option. Par contre, s’il s’agit de travailler avec des professionnels, alors l’arbitrage a lieu d’être.

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