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Le privilège de « New Money » dans une Procédure de Conciliation

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Nous avons vu dans le précédent article sur les procédures collectives en France que l’arsenal juridique français pour accompagner les entreprises en difficulté s’articule autour de 2 situations : la prévention avec le mandat ad-hoc et la conciliation, et le traitement des difficultés avec la sauvegarde, le redressement judiciaire et la liquidation judiciaire.

Dans ce nouvel article, nous allons cette fois-ci nous intéresser au dispositif de « New Money » comme outil clef dans la réussite d’une procédure de conciliation. Nous verrons pourquoi ce dispositif légal est essentiel en vue d’un accord de conciliation suivi de son homologation par le Tribunal.

La « New Money » désigne l’argent frais ou la trésorerie nouvelle (voire même l’apport des biens ou services) injectée par un créancier dans une entreprise permettant la poursuite de son exploitation dans le cadre d’une procédure de conciliation.

Pour rappel, la procédure conciliation est une arme juridique à disposition du dirigeant de l’entreprise permettant d’obtenir l’appui d’un conciliateur dont l’objectif est de mettre les créanciers autour de la table afin de trouver un accord à l’amiable pour que l’entreprise puisse surmonter ses premières difficultés financières face à ses échéances prochaines.

Cette trésorerie nouvelle permet au créancier concerné de bénéficier d’un privilège de « New Money » ou privilège de conciliation. Ainsi ce créancier aura un rang privilégié dans l’ordre de paiement des créances dans le cas d’une procédure collective : la Sauvegarde, le Redressement Judiciaire ou la Liquidation Judiciaire. Ce point est crucial car c’est justement ce mécanisme protection qui permet d’inciter les créanciers autour de la table à trouver une solution pour pérenniser l’activité de l’entreprise.  

Deux conditions sont indispensables pour contractualiser ce privilège de conciliation :

  • Ce cash doit permettre la poursuite de l’activité de l’entreprise et sa pérennité. A noter que l’apport en numéraire des actionnaires existants qui se traduirait par une augmentation de capital, est exclu du dispositif de « New Money » ;
  • L’accord de conciliation intégrant ce privilège de « New Money » et mené par le conciliateur, doit être homologué par le tribunal.

Le privilège de « new money » est vital pour plusieurs raisons :

  • Il permet la continuité de l’activité : Ces apports en liquidités (ou en biens et services) permettent à l’entreprise d’honorer ses échéances de manière immédiate ;
  • Il crée une opportunité pour le dirigeant de négocier une restructuration de son endettement avec l’appui d’un conciliateur nommé par le Tribunal ;
  • Le privilège de conciliation aboutissant à un accord de conciliation émet un signal fort au profit de l’entreprise. Cet accord qui est synonyme de confiance des créanciers dans le business model de la société, crée ainsi un effet de réputation auquel les partenaires bancaires y sont très sensibles. Si nous prolongeons cette réflexion, nous nous apercevons que l’impact du privilège de « new money » est bien plus important car il évite la procédure collective, une situation de défaut qui impacterait négativement la note de contrepartie, un item cher pour les banquiers entrainant des réactions en chaine à l’encontre de l’entreprise : hausse des coûts de crédit ; révision à la baisse des lignes de financement ; impact sur la chaine de décision ; et bien d’autres.

L’élément clef du « New Money » est le privilège de conciliation qui en découle. Ce privilège, conféré par l’article L.611-11 du Code de commerce, garantit aux créanciers apportant de l’argent frais afin d’assurer la poursuite de l’exploitation, une position prioritaire dans l’ordre de remboursement des créances, en cas d’ouverture ultérieure d’une procédure collective.

Lors de la mise en jeu de ce privilège de conciliation dans le cadre d’une procédure collective, l’ordre de remboursement des créances s’établirait de la manière suivante :

  1. Les créances de salaires : Celles-ci bénéficient d’un super privilège et sont remboursées en priorité absolue.
  2. Les frais de justice et les créances postérieures privilégiées : Ces créances, nées après l’ouverture de la procédure collective pour les besoins de celle-ci, sont remboursées immédiatement après les créances salariales.
  3. Les créances bénéficiant du privilège de conciliation : Les créanciers qui ont injecté du « new money » sont ensuite remboursés avant les créances antérieures à la procédure collective, y compris celles bénéficiant de garanties classiques. Ce positionnement stratégique réduit considérablement leur exposition au risque de non-recouvrement. A noter qu’aucun délai de paiement ne pourra être imposé ;
  4. Les créances antérieures privilégiées : Il s’agit des créances antérieures à l’ouverture de la procédure, mais qui bénéficient de privilèges spéciaux, comme les créances fiscales et sociales, ou les créances hypothécaires.
  5. Les créances chirographaires : Ces créances non privilégiées sont remboursées en dernier, souvent avec un faible taux de recouvrement en cas de liquidation.
  6. Les créances subordonnées : Ce sont des créances qui, par convention ou par nature, sont remboursées en tout dernier, après les créances chirographaires.

Le privilège de « new money » est un outil puissant qui incontestablement, joue un rôle déterminant dans la conclusion d’un accord de conciliation. C’est son aspect protecteur permettant aux créanciers de bénéficier du statut de privilégié qui est le moteur des négociations et l’élément clef pour éviter une procédure collective et les conséquences associées.