Comment valoriser l’urine humaine avec TOOPI ORGANICS

Toopic Organics propose un engrais pour l'industrie agro-alimentaire à base d'urine humaine
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Nous nous intéressons aujourd’hui à l’Agritech française Toopi Organics qui a annoncé le 12 septembre 2023 avoir levé 16 millions d’euros pour intensifier son sourcing, finaliser la construction de deux outils industriels en France et en Belgique, et entrer définitivement dans la phase de développement du chiffre d’affaires.

Par cette levée de fonds, le société française montre qu’elle entre dans une autre échelle, celle de la scale-up puisque son modèle d’affaire est désormais figé permettant ainsi d’entrevoir son avenir commercial. Avec deux ans de carnet de commandes confirmés par son principal acheteur, les dirigeants de Toopi Organics vont pouvoir désormais se concentrer sur le développement de leur portefeuille clients.

L’enthousiasme autour de Toopi Organics réside dans la singularité de l’écosystème de son livrable, à savoir la production et la mise en vente d’un engrais urino-sourcé pour l’industrie agro-alimentaire. Nous allons tenter de comprendre pourquoi les investisseurs et notamment l’Etat français à travers l’Ademe et la BPI ont investi d’importantes sommes dans cette entreprise.

TOOPI ORGANICS, acteur de la transition vers l’Economie Circulaire :

Dire simplement que Toopi Organics produit un engrais urino-sourcé ne suffit pas pour mettre en lumière la particularité de son « whole business ». Pour ce faire, il est indispensable de schématiser son activité en deux phases :

Première phase : la collecte de l’urine

L’activité de cette société française se distingue dès le sourcing. Contrairement au pétrole, la matière première de Toopi Organics semble être inépuisable. Il s’agit de l’urine humaine.

Aujourd’hui, sa collecte s’effectue par la mise à disposition d’urinoirs secs masculins et féminins dans les lieux à forte affluence. Elle s’est contractualisée avec différents acteurs nationaux tels que Vinci Autoroutes avec ses aires de repos, le Futuroscope, les organisateurs de festivals et bien d’autres.

La question principale qui se pose dans cette phase de collecte est l’hygiène et l’odeur. Pour Toopi Organics, ce n’est pas un sujet car l’urine est stabilisée dès le départ pour éviter toute production d’ammoniac avant qu’elle soit transportée dans ses usines de transformation.  

Seconde phase : la production du biostimulant urino-sourcé 

Cette urine pure est ensuite acheminée dans les usines de traitement de Toopi Organics. Par sa fermentation, elle devient un lieu de culture de micro-organismes favorables à la croissance du végétal. Un litre d’urine est égal à un litre de produit fini. Un produit fini qui est donc un biostimulant urino-sourcé avec une performance identique à celle de l’engrais chimique mais à un coût bien moins élevé c’est-à-dire entre 15% à 40% moins cher.

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Une fois le produit livré chez l’agriculteur, Toopi Organics délivre la promesse suivante :

  • Un rendement inchangé pour le professionnel avec 25 litres par hectare de ce biostimulant associé une réduction de 50% d’engrais chimique. Ce cas de figure se traduit par un impact bilantiel favorable via la réduction de ses charges d’exploitation ;
  • Un rendement déplafonné pour le professionnel en ajoutant le biostimulant sans réduire son utilisation de ses engrais minéraux.

Pourquoi il faut suivre de près TOOPI ORGANICS ?

Pourquoi de grandes institutions telles que BPI, l’ADEME, BNP Paribas ou la MAIF investissent dans Toopi Organics en capital ? En reprenant le schéma ci-dessous, il devient aisé de comprendre l’intérêt que suscite cette Agritech française.

Le modèle d’affaire est « économiquement » rationnel :

  • La mise à disposition d’urinoirs permet aux acteurs concernés de supprimer les coûts liés à l’acheminement de l’urine vers les stations d’épuration ;
  • Contrairement au pétrole, l’urine comme matière première semble être inépuisable et peu chère ;
  • Le coût d’acquisition de l’urine peut alors se résumer à la fabrication d’urinoirs secs, à la mise en place d’un logiciel pour suivre le remplissage des cuves et le transport entre le lieu de collecte et l’usine ;
  • L’intérêt économique pour les agriculteurs se justifie aisément : Réduction de 50% de l’utilisation de l’engrais chimique combinée à l’utilisation d’un biostimulant qui est entre 15% et 40% moins cher que l’engrais chimique ;
  • Les études montrent que le biostimulant améliore la croissance racinaire permettant ainsi de sécuriser la plantation ;

Le modèle d’affaire est « écologiquement » impactant :

  • Le recours aux urinoirs secs évite le gaspillage de l’eau potable lorsque la chasse d’eau est tirée après chaque « pipi ». Ce serait environ 3 litres d’eau potable épargnée par « pipi » avec la solution Toopi Organics ;
  • 100% de l’urine est utilisée, il n’y a donc pas de gaspillage et aucun rejet d’azote dans la nature ;
  • Le sourcing permet de limiter la pollution des eaux usées par l’azote et le phosphore ;
  • L’utilisation de ce biostimulant urino-sourcé permet de réduire le recours à l’engrais minéral par les professionnels de l’agro-alimentaire ;
  • L’engrais urino-sourcé de Toopic Organics est un engrais BIO.

Et c’est un modèle d’affaire qui s’inscrit pleinement dans « une économie circulaire » :

Economie Circulaire Toopi Oganics Bis

©readingsphere.com – Schéma d’Economie Circulaire de Toopi Organics

Conclusion : la suite

Les défis pour Toopi Organics sont multiples. Commençons par le volet commercial. Selon le dernier communiqué de l’équipe dirigeante, le point mort se situerait au-dessus de 15 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel. Pour ce faire, il faudra évidemment étoffer l’équipe des vendeurs, diversifier le portefeuille clients pour éviter d’être dépendant d’un nombre restreint d’acheteurs, et par voie de conséquence investir dans la logistique classique d’une Direction Commerciale (CRM ; Equipe de collaborateurs pour assister les commerciaux ; Equipement pour ces mêmes commerciaux ; et un Directeur Commercial). Le succès commercial étant une certitude, il ne faudra pas oublier de structurer la comptabilité clients.

La partie vente est naturellement une priorité pour la rentabilité de l’affaire mais pas seulement. Elle permettra d’atteindre une certaine taille et notamment devenir rapidement une ETI pour s’installer comme un acteur incontournable du marché des engrais et ainsi profiter de ce coup d’avance protégé par des brevets.

L’autre défi qui est aussi important que les précédents, est d’étudier d’autres débouchés possibles avec l’exploitation de l’urine. Il faut toujours envisager l’après en dessinant les croquis des prochains relais de croissance. En réalité, la question qu’il faut se poser est la suivante : pourquoi cantonner Toopi Organics à une Agritech ? Par la recherche et le développement, cette FrenchTech pourra sans doute élargir son champ d’intervention.

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