Dans un monde où l’innovation s’impose comme l’une des clefs de la réussite voire de survie pour les entreprises, la notion de « disruption » occupe une place centrale dans les réflexions stratégiques et marketing. Mais que signifie exactement ce terme ? Tour à tour perçue comme une rupture créative ou comme un bouleversement des dynamiques économiques, la disruption est à l’origine de transformations profondes de nombreux secteurs ainsi de nos habitudes de consommation. Cette notion s’inscrit dans deux grandes approches, portées par des figures emblématiques : Jean-Marie Dru dans le domaine de la Communication, et Clayton Christensen dans celui de la Stratégie d’Entreprise. Si leurs visions diffèrent, elles se complètent souvent pour offrir aux entreprises un levier puissant d’évolution.
Cet article se propose d’explorer ces deux approches de la disruption, en éclairant leurs particularités et leur impact sur les marchés et les marques.
La disruption selon Jean-Marie Dru : Un outil de créativité stratégique
Jean-Marie Dru, célèbre publicitaire français diplômé d’HEC, cofondateur de l’Agence BBDP (Boulet Dru Dupuy Petit) et ancien président de l’Agence TBWA, est considéré comme le père fondateur de la notion de disruption datant de 1996. Pour lui, la disruption est une méthode qui permet de remettre en question les conventions d’un marché ou d’une industrie afin de développer une stratégie créative et différenciante.
La méthode de Jean-Marie Dru repose sur trois étapes fondamentales :
- Identifier les conventions – C’est-à-dire mener un travail de recherche pour percevoir, identifier et comprendre les habitudes qui figent la pensée, qui installent implicitement certaines règles qui gouvernent un marché ou un secteur ;
- Imaginer une vision – C’est-à-dire imaginer une nouvelle manière de voir les choses ou trouver une approche fondamentalement différente de nos habitudes, et la confronter aux conventions afin d’estimer le ou les bouleversements économiques et sociétaux ;
- Activer la disruption – C’est-à-dire mettre en œuvre un plan de communication afin de montrer que la marque ou le produit est porteuse de cette nouvelle façon de voir les choses ;
Pour illustrer ces trois piliers indéboulonnables, voici deux exemples bien connus de tous :
- Absolut Vodka : Plutôt que de vanter la qualité ou la tradition comme beaucoup de ses concurrents, Absolut a mis en avant sa bouteille, en la transformant en un objet culturel au centre de ses campagnes publicitaires ;
- Apple : Avec la campagne « Think Different », l’Agence TBWA a voulu repositionner la marque comme un symbole de créativité et d’avant-garde, s’adressant directement aux esprits créatifs et innovants.
La méthode de Jean-Marie Dru est devenue un outil incontournable dans le domaine du marketing et de la communication. Elle incite les marques ou les grandes maisons à se distinguer dans un environnement saturé par la proposition de visions nouvelles et d’idées audacieuses afin de rompre avec les conventions.
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La disruption selon Clayton Christensen : Une transformation des dynamiques économiques
Clayton Magleby Christensen, professeur à la Harvard Business School, a introduit puis popularisé la théorie de la « disruption technologique » (ou « disruptive innovation ») dont le terme est apparu pour la toute première fois en 1997 dans son ouvrage « The Innovator’s Dilemma ». Contrairement à Dru, son approche se concentre sur les bouleversements des modèles économiques et des dynamiques de marché.
Pour Clayton M. Christensen, une innovation est dite « disruptive » lorsqu’elle commence par cibler des marchés de niche ou des consommateurs négligés par les acteurs dominants. Ces innovations sont souvent plus simples, moins coûteuses, et accessibles à un public différent. Avec le temps, elles gagnent en qualité et finissent par remplacer les solutions existantes sur le marché principal.
Pour comprendre le concept de disruption associé au domaine de l’Entreprise, l’auteur distingue deux types d’innovations :
- Innovations soutenantes – C’est-à-dire un travail de recherche et de développement afin d’améliorer en continue des produits ou services existants pour satisfaire les clients actuels et gagner des parts de marché ;
- Innovations disruptives – C’est-à-dire la création de nouveaux marchés ou d’une nouvelle approche bouleversant le marché existant en ciblant des besoins ignorés ;
Prenons deux exemples emblématiques pour bien apprécier les bouleversements associés à une approche disruptive :
- Netflix : En débutant dans la location de DVD livrés à domicile, l’entreprise Netflix a d’abord ciblé un marché négligé avant d’être à l’origine de l’explosion de l’industrie du streaming révolutionnant notre manière de consommer les films et séries ;
- Spotify : cette société suédoise a introduit un modèle par abonnement, offrant un accès illimité à des millions de morceaux pour un prix fixe mensuel. Initialement destiné à ceux qui téléchargeaient illégalement de la musique, le service a transformé les habitudes de consommation et poussé les majors de l’industrie musicale à repenser leur modèle économique ;
La théorie de Christensen fournit un cadre analytique pour comprendre comment les entreprises émergentes peuvent bousculer les leaders établis. Elle est largement utilisée dans la stratégie d’entreprise et le développement de nouveaux business model.
Conclusion : Deux approches complémentaires de la disruption
La disruption, qu’elle soit envisagée par Jean-Marie Dru ou Clayton Christensen, repose sur une volonté commune de remettre en question l’ordre établi pour ouvrir de nouvelles perspectives. Cependant, leurs approches diffèrent sensiblement dans leurs domaines d’application et leurs méthodes.
Si la disruption selon Jean-Marie Dru est un catalyseur de créativité pour les marques, celle de Clayton M. Christensen est un sextant pour transformer les marchés. Leur complémentarité permet aux entreprises de combiner innovation stratégique et impact narratif. Alors que le monde continue d’évoluer à un rythme effréné, la disruption reste un outil incontournable au service de la pérennité des organisations.