L’affaire Calas se déroule dans un moment sombre de l’Histoire de France marqué par l’intolérance religieuse où la minorité à savoir les protestants huguenots, sont obligés de vivre avec discrétion. Cette période de tension tire son origine de la révocation par le Roi Louis XIV de l’Edit de Nantes en 1685, un édit qui représentait les débuts de la laïcité en France engagé par Henri IV.
Cette atmosphère d’intolérance du XVIIIème siècle jouera malheureusement sur le verdict des jurés dans l’affaire qui nous intéresse, celle du commerçant protestant Jean Callas.
Le commencement : le drame familial chez les Calas
L’histoire commence précisément le 13 octobre 1761 avec Marc-Antoine, fils aîné de Jean Calas, retrouvé mort dans la boutique familiale alors que la famille et des amis dînaient à l’étage supérieure. Le magistrat en charge de l’affaire constate des marques de strangulation et une absence totale de trace de lutte. Tout pense à croire que c’est un assassinat venant de l’intérieur du foyer. Voyant venir la menace d’une accusation qui pourrait tomber sur les personnes présentes le soir du décès, Jean Calas revient sur sa déposition et avoue avoir modifié la scène pour masquer un suicide par pendaison afin d’éviter que le corps de son fils ait le même sort que celui réservé aux suicidés (cadavre traîné par les chevaux et ensuite, jeté dans les ordures).
Arrestation de J. Calas – Musée du Vieux Toulouse – Public Domain – Wikimedia Commons
Cependant, l’opinion publique est convaincue de la culpabilité du père persuadée qu’il a voulu empêcher Marc-Antoine de suivre l’exemple de son frère Louis converti au catholicisme. Une conversion qui serait à l’origine de la rupture des liens familiaux entre le fils catholique et le père protestant. La diffusion de cette rumeur sera le moteur de ce qu’on appelle le phénomène de prophétie autoréalisatrice qui se traduira par une inhumation populaire, selon le rite catholique et comme un martyr pour Marc-Antoine et par un verdict biaisé de la cour de Toulouse.
Le dénouement judiciaire : Jean Calas coupable par défaut
Alors qu’il n’existe aucun élément probant quant à la culpabilité de Jean Calas, c’est principalement les rumeurs et les dires du voisinage sans fondement qui vont influencer les 13 juges du procès. Jean Calas est alors jugé coupable de parricide par 8 voix contre 5 et est condamné à mort le 9 mars 1762. Et le 10 mars 1762, Jean Calas est torturé, étranglé et brulé.
Près d’une semaine après l’exécution de Jean Calas sur la place publique, la mère de Marc-Antoine est acquittée mais privée de tous biens familiaux, les deux filles de la famille sont envoyées au couvent et le second fils des Calas, Pierre, est banni à perpétuité. Ce dernier s’exilera en Suisse et plus précisément à Genève où il rencontrera le célèbre philosophe, Voltaire. C’est le tournant de cette histoire.
La plume de Voltaire : Jean Calas réhabilité
Lors de son exile dans la ville calviniste de Genève, Pierre Calas rencontre Voltaire. Le célèbre et influent philosophe qui était initialement en accord avec le verdict de Toulouse, a pris connaissance des lacunes du dossier et après de nombreux échanges avec Pierre, est persuadé de l’erreur judiciaire causée par le fanatisme religieux.
Voltaire va alors utiliser son cercle de connaissances pour sensibiliser la cour royale à Paris et provoquer une révision du procès. Dans la continuité de son combat contre l’injustice, Voltaire publiera en 1763 son livre « Traité sur tolérance » dans lequel, les deux premiers chapitres seront consacrés à l’Affaire Calas (« Histoire abrégée de la mort de Jean Calas » et « Conséquences du supplice de Jean Calas »). Parallèlement, l’épouse de Jean Calas montée à Paris, trouve le soutien de plusieurs avocats. L’opinion publique surtout celle de Paris se retourne et la Chambre des requêtes casse l’arrêt du Parlement de Toulouse. Et en 1765, la mémoire de Jean Calas est réhabilitée et toute la famille est acquittée.
Voltaire Assis – Houdon Jean Antoine – CC BY-SA 4.0 DEED – Asybaris01 – Wikimedia Commons
Conclusion :
L’affaire Jean Calas résonne comme un vibrant rappel de la puissance de la plume dans la quête de la justice et de la tolérance. Dans cette tragédie du XVIIIème siècle, la mobilisation d’une personnalité intellectuelle populaire, celle de Voltaire, a été cruciale pour corriger une injustice.
Cet épisode s’inscrit dans une tradition où la plume devient une arme pour défendre de nobles causes. Des initiatives emblématiques telles que « J’accuse » d’Emile Zola, une lettre ouverte au Président de la République dans l’affaire Dreyfus ou « Napoléon Le Petit » de Victor Hugo, un livre critiquant violemment Napoléon III après son coup d’état, ont prouvé que la parole écrite peut avoir impact sur l’histoire.
Mais il est crucial de souligner que la puissance de l’écriture ne peut s’épanouir que dans un environnement où le peuple lui-même est à la fois sensible et influent. L’engagement des intellectuels et l’éveil des consciences ne trouvent leur véritable écho que lorsque le peuple conscient de ses droits, se sent assez fort et courageux pour être le contrepoids aux abus de pouvoir et aux injustices.